En entretenant mon bateau
La plaisance a un impact sur le milieu marin, notamment par le carénage et le rejet des eaux grises et noires. Ces opérations, pourtant nécessaires à l’entretien des bateaux, rejettent dans le milieu des biocides à travers les peintures anti-salissures ainsi que des nutriments et des produits pétrochimiques à travers les eaux grises et noires. Ainsi, certains produits et comportements peuvent présenter des risques pour l’environnement marin. En adoptant les bonnes pratiques, nous pouvons réduire l’impact de la plaisance sur le milieu marin.
Les eaux grises et noires
Qu'est ce que sont les eaux grises ?
Les eaux grises sont les eaux de « lavage », elles proviennent des douches, lavabos, éviers etc.
Elles contiennent des savons et détergents qui engendrent des pollutions dites chimiques. En effet, les détergents vont générer des mousses qui peuvent avoir de graves conséquences pour l’environnement marin : effets mutagènes et cancérigènes, toxicité pour la faune et la flore, eutrophisation, accumulation de polluants etc.
Le saviez-vous ?
Les embruns contaminés par les eaux grises qui arrivent à terre se fixent sur la végétation. Ils sont cependant toxiques pour la flore et accentuent de ce fait l’érosion du littoral.
Qu'est-ce que sont les eaux noires ?
Il s'agit des eaux qui proviennent des systèmes de traitement des toilettes. Ce sont les eaux les plus polluantes !
Un plaisancier produirait 10 litres d’eaux noires par jour ! Si la pollution générée par les eaux noires est principalement d’ordre bactériologique avec le risque de prolifération de la bactérie Escherichia coli, toxique pour les baigneurs, elle représente également un risque écologique puisqu’elle véhicule des agents chimiques comme les médicaments, qui peuvent nuire au développement des juvéniles de poissons qui affectionnent particulièrement les ports lors des premiers stades de leurs vie.
Enfin, la forte teneur en matière organique et en sels nutritifs dans les eaux noires favorisent le développement intense d’algues nuisibles conduisant à un état de déséquilibre du milieu naturel, appelé « eutrophisation ».
Vrai ou faux : les ports ont l’obligation de s’équiper de système de pompage des eaux grises et noires ?
VRAI, depuis la Directive 2000/59/CE, les ports sont tenus de disposer de systèmes de pompage des eaux grises et noires. Cela permet de réduire les rejets dans le milieu marin.
Comment limiter l’impact des eaux grises et noires ?
De bonnes pratiques peuvent être adoptées pour réduire l’impact des eaux grises et noires sur le milieu marin. En voici quelques exemples :
- Utiliser les équipements portuaires : des sanitaires, douches, lavabos etc. sont mis à disposition par les capitaineries
- Utiliser des produits d’origine végétale ou éco-labellisés
- Installer une cuve de récupération
- Utiliser les pompes à eaux grises et noires dont disposent les ports
Le carénage et les peintures anti-salissures (antifouling)
Que désigne le carénage des bateaux ?
Le carénage désigne l’action de nettoyage de la coque d’un navire et de ses œuvres vives.
Il peut être suivi d’autres opérations d’entretien (ponçage, sablage etc.). En effet, les parties immergées ont tendance à s’encrasser suite à l’adhésion d’un biofilm composé de bactéries et micro-organismes. Ce biofilm va favoriser la colonisation de la coque par des algues, dans un premier temps, puis par des coquillages et autres animaux marins, dans un second temps. Ce phénomène naturel s’appelle le "bio-fouling".
Un nettoyage régulier permettra de maintenir une coque lisse et propre, ce qui réduira la résistance à l'eau et donc la consommation de carburant.
La plupart du temps, il est complété par l’application de peintures anti-salissures. Ces dernières contiennent des biocides. Il s’agit de molécules qui tuent ou inactivent les micro-organismes, empêchant ainsi les phases ultérieures de colonisation par d’autres organismes marins sur la coque.
Exemples d'espèces colonisatrices de la carène
Les algues rouges
Elles sont robustes et peuvent s'attacher fermement aux surfaces, y compris les coques des bateaux. Elles se développent aussi bien en eau peu profonde qu'en eau plus profonde.
Les algues vertes
Ce sont des algues assez communes en Méditerranée, attirées par les nutriments présents à proximité des ports et des côtes.
Les balanes
Ce petit crustacé vit fixé sur un support grâce à un large pied. Il est entouré de plaques calcaires qui forment son exosquelette.
Les moules
Les moules de Méditerranée sont des organismes filtreurs. Elles servent parfois de support pour d’autres organismes tels que balanes et les bryozoaires.
Les peintures anti-salissures
Les peintures anti-salissures (ou antifouling) sont principalement composés d’une association entre des biocides, relargués de le milieu, et une matrice, qui se dégrade au contact de l’eau. La matrice est composée de pigments, solvants et liants. C’est elle qui contient les molécules de biocide.
Les peintures à matrice dures
La matrice ne se dissout pas dans l’eau et les molécules de biocides sont libérées dans le milieu au cours du temps empêchant ainsi la fixation d’organismes sur la coque.
√ Peintures résistantes à l’abrasion
√ Adaptées à l’échouage
√ Adaptées aux vitesses élevées
Les peintures à matrices érodables
La matrice s’érode facilement sous l’action de l’eau permettant la diffusion des molécules de biocides et empêchant la fixation des organismes sur la coque. Cependant, elle se dissout plus rapidement et il faut souvent remettre une couche en fin de saison.
√ Adaptées aux zones très salissantes
Les peintures à matrices auto-polissantes
Il s’agit de peintures intermédiaires. Les biocides sont libérés lorsque l’eau interagit avec la matrice constituée de polymères hydrolysables. Elles sont rarement utilisées en plaisance.
√ Adaptées aux grosses unités naviguant beaucoup
√ Possibilité d’aller jusqu’à 5 ans d’efficacité
√ Produits onéreux
L'impact des biocides
Les biocides, qui sont relargués dans l’environnement marin par les peintures anti-salissures, sont toxiques, à la fois pour l’environnement et pour la santé humaine. En effet, ils dégradent la qualité de l’eau, provoquent des anomalies chez certaines espèces etc. Chez l’Homme, ils peuvent provoquer des irritations, des troubles gastriques et des cancers à forte dose. Certaines peintures ont d’ailleurs été interdites à cause de leur toxicité et plusieurs sont actuellement en cours d’évaluation.
Le saviez-vous ?
1 m² d’une coque de bateau contient 15 g de biocide, 1 g de biocide pollue 10 000 m3 d’eau (source : EcoNav)
Comment limiter son impact ? Exemples d’alternatives aux peintures anti-salissures avec biocides
Afin de limiter les risques que représentent les biocides sur le milieu marin, voici quelques alternatives qui existent :
Les ports à sec et sortir son bateau à terre :
moins le bateau sera immergé moins le biofouling pourra se développer.
√ : prolongation de la durée de vie de la coque (moins de corrosion), protection face aux intempéries
X : coûts et limites de taille et de poids pour certains ports à sec
Le nettoyage et le grattage manuel :
il suffit de nettoyer régulièrement sa coque pour réduire l’apparition de biofouling et empêcher la fixation des micro-organismes. Certaines sociétés privées proposent ce service.
√ : peu couteux, adapté à toutes les zones et types de navigation
X : doit être réalisé sur une aire de carénage
Les stations de lavage mécanique :
une station de ce type sera prochainement installée au port de Saint-Cyprien, faisant de ce dernier le premier port de Méditerranée équipé de ce dispositif.
√ : nettoyage réalisé en 15 minutes
X : non adapté pour les bateaux supérieurs à 16 mètres
Les revêtements anti-adhérents :
ces revêtements sont basés sur des principes physiques, tels que les Fouling release coatings (FRC). Ils rendent la surface lisse ce qui permet aux organismes de se détacher facilement lorsque le bateau est en mouvement.
√ : nettoyage simple de la carène
X : non recommandé pour les bateaux ayants l’habitude de...
Les bâches :
en recouvrant la carène, les conditions ne sont plus propices au développement du fouling.
√ : facilement lavable, durée de vie de plusieurs années, installation à quai ou au mouillage
X : non adapté aux zones à forts courants
⚠ Les alternatives sont encore peu connues. Des études scientifiques sont en cours pour mesurer leur efficacité et étudier les impacts potentiels qu’elles peuvent avoir sur le milieu marin.
Plusieurs de ces alternatives ont été testées par l’Office français de la biodiversité et l'agence "Tout commence en Finistère" en 2018. La synthèse de l’étude est disponible ICI. Cependant, mis à part les solutions manuelles et strictement mécaniques, nous n’avons encore que peu de recul sur les effets des alternatives aux peintures anti-salissures.
Vrai ou faux : les solutions alternatives sont moins efficaces que les produits qui contiennent des biocides ?
FAUX, chaque alternative présente ses avantages et ses inconvénients. Elles doivent simplement être adaptées aux habitudes des plaisanciers (mode de navigation, stockage du bateau hors saison etc.).
Les bonnes pratiques de carénage
Pour limiter les risques environnementaux et humains lors du carénage et de l’application de peintures anti-salissures (antifouling) il est donc recommandé de :
Prendre contact
auprès de la capitainerie afin de savoir si elle dispose d’une aire de carénage et connaître les équipements à disposition
Réaliser cette action sur des zones
spécifiques dédiées à la récupération des eaux polluées (zone technique du port ou chez un professionnel) en suivant les recommandations des capitaineries
Choisir une peinture antifouling adaptée
à son mode de navigation et conforme à la réglementation en vigueur (ou tester une alternative)
Porter un équipement adapté
pour caréner son navire (masque, lunettes et gants)
Ne pas caréner lors de vents forts
(risques de dissémination des pollutions)
Laisser le site propre :
les déchets de carénage doivent être ramassés et déposés dans les poubelles ou déchetteries des points propres du port en appliquant les consignes de tri
Sortir son embarcation hors de l’eau
dès que possible afin d’éviter l’apparition de fouling sur les parties immergées
Tester des alternatives
plus respectueuses de l’environnement
Pour en savoir plus :
Un guide édité par le Parc naturel marin d'Iroise (Finistère, Bretagne)
Un guide éconavigation "À bord ou à quai"
Pour aller plus loin : des études scientifiques
Compréhension du processus de biofouling, interactions entre les organismes avec les surfaces, rôle de l’environnement et services écosystémiques
-
La corrosion marine des aciers, un processus intrinsèquement influencé par les micro-organismes : Corrosion des aciers en milieu marin : processus se déroulant dans les zones cathodiques - TEL - Thèses en ligne (hal.science)
-
La biocalcification bactérienne en milieu marin et ses applications : (PDF) La biocalcification bactérienne en milieu marin et ses applications (researchgate.net)
Impact environnemental des traitements antifouling
-
Environmental risk assessment of using antifouling paints on pleasure crafts in European Union waters : Environmental risk assessment of using antifouling paints on pleasure crafts in European Union waters - ScienceDirect
Protection des matériaux, élaboration de surfaces, revêtements, molécules, matériaux pro-fouling et antifouling bio-respectueux
- Développement de revêtements antifouling écoresponsables : Développement de revêtements antifouling écoresponsables (hal.science)
- Silicone-Based Fouling-Release Coatings for Marine Antifouling : Silicone-Based Fouling-Release Coatings for Marine Antifouling | Langmuir (acs.org)
- Antifouling applications and fabrications of biomimetic micro-structured surfaces: Antifouling applications and fabrications of biomimetic micro-structured surfaces: A review - ScienceDirec
- Antifouling et environnement (Finistère 360°) : Rapport_Antifouling-environnement2019.pdf (upnba.fr